PASSION TAPIS ÉPISODE 2

Le choix?

Véritable trésor national, le tapis marocain a conquis le monde! Dans ce deuxième volet sur le tapis Amazigh ou Berbère je vais vous présenter un éventail de styles de tapis issus de différentes régions mais qui ont en commun leur authenticité et la qualité du travail fait main. Évidemment ce choix n’est ni exhaustif ni objectif. Au cours des siècles, les traditions se sont perpétuées jusqu’à nos jours, les relais de transmissions ont été bien passés et chaque tribu tisserande a finalement trouvé son langage référentiel, son mode esthétique, ses techniques.

 

 

On connaît donc la provenance géographique d’un tapis. On pourra identifier le style, même si des variantes existent. En outre, des évolutions s’opèrent logiquement. Les  femmes tisserandes vivent avec leur temps, leur quotidien change, elle le traduisent dans leurs créations. Même leur fréquentation de l’art ou du design contemporains est plus courante qu’autrefois.

 

 

 

Les goûts changeants du public acheteur peuvent influencer leur travail. À ce stade on peut préciser que la provenance géographique (Tazenaght, Azilal…) ne correspond pas toujours au style pictural caractéristique d’un tapis. Les échanges, les réseaux sont aujourd’hui grandement facilités et les coopératives de tissage ou tisserandes peuvent s’influencer entre elles et être plus perméables aux tendances ou aux modes.

 

 

Les techniques typiques de tissage  sont davantage fixées et permanentes. Je vais passer en revue quelques styles, espérant contribuer à vous inspirer et qui sait, vous aider, si vous décidez d’acquérir un jour une de ces œuvres d’art, pièce toujours unique, comme déjà dit précédemment.

 

Tazenakht

Le Sud marocain! Les caravanes de dromadaires, les kasbahs, les dunes de sable, les villages rouges, les hommes en chèches, les échanges de marchandises, dattes, peaux, thé, poteries, sel, sucre, safran, amandes, peaux et bijoux. Nos imaginaires collectifs sont remplis de références! Aujourd’hui les réalisateurs des studios hollywoodiens se repaissent de ces paysages grandioses. Les chèvres et les moutons les regardent s’agiter.

 

 

Une fois par an les moutons “Siroua” donnent leur laine d’une qualité inestimable. C’est la première vertu des tapis de la région. Ils ont des couleurs fortes et sont contrastés, ornés de larges motifs géométriques classiques évoquant les éléments de la nature ou de dessins symboliques pour imager les animaux et leurs forces, les montagnes, les vagues, la fertilité, la vie, la mort…

 

 

La ville étant un centre important de tissage de tapis berbères artisanaux, on pourra trouver des styles assez différents sous cette dénomination de Tazenakht. Les tapis sont noués, parfois tissés en alternance. Ils sont d’une belle épaisseur, faits d’une laine lisse et brillante de première qualité!

 

 

 

Azilal

Que de gaieté et de fantaisie dans un tapis Azilal avec ces couleurs vives, ces motifs insolites, ces lignes et ces traits désordonnés! Multicolores sur fond clair, ils chantent la vie et pétillent. Le langage semble très contemporain voire pop!

 

 

 

Il est évident qu’ils donneront à la pièce de la maison qui leur est destinée un air de fantaisie, de convivialité et de sourire, comme au Maroc! Losanges, flèches, zigzags, points s’amusent en vert, en rose, en rouge, en jaune, en bleu, en orange…

 

 

 

Parfois on peut trouver des tapis Azilaz monochromes ou en nuances dégradées, ce qui n’est pas leur style fondamental mais ils restent lumineux et joyeux! La technique est le nouage, d’une laine à poils moyens, les tapis sont donc assez douillets, Le choix des jeunes peut-être?

 

 

 

 

Akhnif

Après le style enjoué Azilal, le langage Akhnif paraîtra bien rigoureux! Mais les tapis Aklhnif ne sont-ils pas fascinants? Ils proviennent de la région de Tazenakht. Ce sont des pièces tissées à plat, ce qui va leur donner cette finesse et cette légèreté caractéristiques. Des motifs brodés, ou plutôt des signes de toute évidence symboliques, sont répétés et s’inscrivent de façon souvent symétrique sur des fonds monochromes, rouges, bleus, gris, beiges, roses, verts…

 

 

Teinte avec des herbes naturelles, la laine prend une couleur parfois pure mais souvent irisée, jouant subtilement avec les dégradés. Ce qui vraiment caractérise le tapis Akhnif est ce tissage à plat, extrêmement serré, d’une régularité et d’une précision exceptionnelles.

 

 

Ils sont inimitables et jamais reproduits par d’autres manufactures. Certains peuvent sembler austères, d’autres plus luxuriants. Mais le mystère qui émane des tapis Akhnif n’a d’égal que leur élégance et leur raffinement. Ils incitent à la contemplation. Ils conviennent parfaitement à des intérieurs contemporains et minimalistes.

 

 

Les tapis Akhnif peuvent aussi être déclinés avec un langage plus foisonnant. Ils savent alors trouver plus de dynamisme. Le tissage évoque alors des vagues, des montagnes, des reliefs dans une gamme de couleurs extrêmement vives. L’impression de mouvement est bien définie. Les compositions graphiques sont tout aussi contemporaines.

 

 

Boujaad

Située plus au centre du Royaume, la ville de Boujaâd, Bejaâd, est une destination culturelle et spirituelle pour les marocains. Elle est un centre religieux important. Les communautés s’y mélangeaient en toute tolérance et harmonie. Les tapis issus de cette zone sont noués, à poils de laine moyennement longs. Ils peuvent apparaître comme des tapis de facture assez classique.

 

 

Ils sont richement décorés, colorés,  à larges motifs inspirés de la nature, de la flore, du monde animal ou de la géométrie classique. Les tons sont généralement chauds. La trame et la chaîne sont souvent de couleur orange. Ce ne sont pas des tapis austères ou dépouillés. Le damier multicolore et ses différentes variations est un motif que l’on retrouve fréquemment.

 

Beni Ouarain

On se trouve ici dans le nord-est du Maroc. Le tapis du tactile, de la caresse, de la douceur, du moelleux. La texture exceptionnelle de ces tapis est le résultat  d’un long processus de filage et de tissage ancestral. Au départ il y la laine des moutons “Marmoucha”.

 

 

Elle sera travaillée par des doigts habiles avec une patience infinie. Elle n’est généralement pas teinte et garde ses tons ivoire, crème. Chaque tapis noué passera de longues heures sur le métier. Les tapis Beni Ouarain sont donc très denses, à poils longs. Ils sont lourds et ne bougent pas du sol. Ces tapis peuvent être de grande dimension. À l’origine ils étaient destinés à réchauffer les sols dans les tentes et maisons.

 

 

Ils sont monochromes, bi colores, simples et sommaires dans les motifs et ont toute leur place dans des intérieurs contemporains, dans le  salon pour la convivialité, dans la chambre pour le cocooning! Le motif classique de losanges fins noirs dessinés sur fond blanc est connu dans le monde entier. Un design minimaliste qui plaît souvent aux clients des pays nordiques. Matisse et le Corbusier les appréciaient aussi.

 

 

 

 

 

Chichaoua

Les tapis rouges! C’est en effet la couleur essentielle et emblématique des tapis Chichaoua. La ville est située dans l’ouest du Maroc, à une centaine de  kilomètres de Marrakech. De nombreux ateliers sont actifs pour le tissage de ces tapis aux rouges éclatants! La garance est à l’origine de toutes ces nuances de rouge, du carmin à l’orangé, du rouge sang au rosé délicat… Moutons et chèvres des élevages fournissent la matière première. C’est pendant le protectorat de la France que s’est développé le goût pour cette couleur et la demande n’a fait que croître dès lors.

 

 

 

Ils sont souvent monochromes mais quelques motifs noirs ou de couleur viennent parfois les agrémenter. D’autres modèles présentent des dégradés de rouges magnifiques. Leur nouage n’est pas si dense et leur aspect peut sembler parfois rustique. On en trouve dans toutes les dimensions, les grands formats étant privilégiés. Ils sont confortables et l’on peut s’allonger agréablement sur leur fourrure!

 

 

 

Glaoua, Glaoui

Le nom de ces tapis tire son origine du personnage controversé et haut en couleurs qu’était le Pacha du Sud marocain, Thami El Glaoui (1879-1956). Protégé du Résident Général le Maréchal Lyautey, ami de Churchill, il défraya la chronique de son temps. Outre son Palais à Marrakech, Dar El Bacha, devenu aujourd’hui le Musée des Confluences, il avait une demeure-kasbah princière à Telouet, partiellement en ruines mais visitable sur la route du Sud. Il contribua à développer fortement cette activité dans la région de Tazenakhte, exploitant sans vergogne les familles locales. Ce qui frappe dans les tapis de style Glaoui est l’emploi des trois techniques, noué, tissé et brodé.

 

 

Ils sont assez riches en décors et motifs bigarrés, souvent organisés, quadrillés, symétriques. Représentations géométriques, animalières, florales et autres symboles ethniques se détachent sur des fonds de rayures, de losanges, de dessins fléchés, de rectangles, de chevrons… La gamme de couleurs naturelles est très ample.

 

 

Comme souvent dans cette région, la laine est celle des moutons “Siroua”, espèce endémique du Maroc. Cette laine est d’une qualité et d’une douceur tout à fait uniques. Les tapis Glaoui sont des tapis naturellement très décoratifs qui peuvent orner et embellir un mur tel un grand tableau spectaculaire.

 

 

Zemmour

Les Zemmour représentent un ensemble de tribus établies dans le Moyen-Atlas (centre du Maroc) dans la région à l’est de la capitale Rabat. Leur tradition de tissage est ancestrale! La première caractéristique d’un tapis Zemmour est la couleur de fond rouge qui peut aller vers le bordeaux. Ce sont des tapis tissés mais d’autres techniques peuvent parfois s’ajouter. Ils sont d’une apparence assez rigoureuse, ordonnée, que des motifs alignés et encadrés renforce.

 

 

Traits serpentés, chevrons, zigzags, bordures se répètent harmonieusement et souvent symétriquement. Les fils de laine noire ou blanche, ivoire ou orange  tracent le décor un peu grillagé. Pour un effet visuel supplémentaire, des paillettes sont accrochées de façon qui semble aléatoire.

 

 

On peut également y trouver des fils de sabra (tissu imitant la soie) brillants. Les tapis Zemmour sont presque des grands “classiques” au Maroc tant l’œil de l’amateur est habitué à ces compositions graphiques. D’ailleurs les tissages Zemmour sont aussi utilisés pour habiller des coussins ou des fauteuils.

 

 

Le tissage étant serré, ils sont légers par nature. Très décoratifs, très visuels, très contrastés, ils s’intègrent dans tous les types d’aménagements intérieurs, modernes, rustiques ou très contemporains, dans toutes les pièces, sur les murs comme au sol.

 

 

 

Tiflet

Nous ne quittons pas le Moyen-Atlas pour évoquer le tapis Tiflet. Reconnaissable entre mille, ce style élégant, élaboré et raffiné séduit beaucoup d’acheteurs. C’est un équilibre subtil entre une tradition séculaire et une certaine modernité. Tissés se façon serrée, ils sont assez légers, type kilim, et se déclinent dans des teintes assez variées et font preuve d’une grande durabilité.

 

 

Les motifs sont géométriques, inspirés de légendes, de croyances tribales et de superstitions, et portent des valeurs protectrices. Ils sont richement décorés, pourtant une certaine sobriété et une apaisante sérénité se dégagent de leur design. Les couleurs sont souvent douces, nuancées rarement très contrastées. On y trouve des gammes de beiges, d’ivoire, de bruns, de gris… de la belle ouvrage, de la belle allure!

 

 

 

Zanafi

Ce sont des tapis tissés à plat de façon très dense, très fine, sans poils, type kilim, légers mais très résistants. Ils peuvent présenter des décors et des tons de couleurs très variés. Bien que confectionnés dans la région de Khenifra dans le Moyen-Atlas ils portent le nom d’une tribu du Sud vers Tazenakht. Peu de tisserandes maîtrisent parfaitement leur tissage spécifique. Il y a un art consommé de la broderie dans ces pièces.

 

 

On pourrait les qualifier de modernes et même de tendance car ils habillent parfaitement les intérieurs contemporains. Ils peuvent reprendre des assemblages de motifs plus traditionnels, des compositions d’autres styles comme les Beni Ouarain, les Glaoui, regarder vers l’art pictural contemporain ou dériver totalement vers des univers graphiques très minimalistes.

 

 

Losanges, dessins symboliques, carrés, chevrons (motif tirira au centre du tapis), cadres, rayures, damiers… ce n’est pas tant le décor que la technique de tissage complexe qui importe pour un tapis de type Zanafi.

 

 

 

Beni Mrirt

Plusieurs facteurs rendent les Tapis Beni Mrirt si exceptionnels et si populaires. Ils peuvent être de très grande dimension. Le toucher est incomparable de par leur épaisseur et leur unique douceur.

 

 

 

Il y a d’abord une laine fine, lumineuse, soyeuse, qui a été longuement travaillée, préparée, lavée et séchée selon un processus secret, ancestral et précis, qui va se répéter. Cette démarche tient du rituel et va donner à la laine sa brillance et son velouté, au tapis sa texture ouatée merveilleuse. Le tissage avec la technique du double nœud va parfaire ce rendu sans équivalent dans la production de tapis marocains.

 

 

 

 

 

Les couleurs sont souvent naturelles en fond, ivoire ou crème. On trouve aussi du vert et de l’orange, du bleu roi, du pistache, du beige, et du noir. Les tapis Beni Mrirt peuvent être monochromes ou agrémentés des dessins aux lignes douces, asymétriques, naïves. D’autres font se contraster des zones de couleur non ordonnées.

 

 

Ces tapis ne sont jamais surchargés. Un peu d’expressionisme abstrait semble les avoir inspirés parfois. Pas celui tourmenté de Pollock, non, mais plutôt le soft d’un Mark Rothko, Clifford Still ou Barnett Newman. Intemporels et universels, ils dégagent aussi une sensualité particulière, et tout comme les Beni Ouarain, ils donnent l’envie de se pelotonner sur leur fourrure.

 

 

C’est donc “douillettement” que ma sélection se termine. À la fin, je ne suis pas du tout certain que ce guide vous ait aidés à fixer un choix! Comme dirait l’autre, “les goûts et les couleurs…” L’envie sera, de toute façon, celle du moment, celle de votre humeur et de votre état d’âme à l’instant T de l’achat. Vous aurez au moins compris que le monde des tapis marocains est un grand univers de sensibilité. Cet art traditionnel est ancré dans ses racines culturelles profondes et a ainsi gagné ses lettres de noblesse. Par expérience, je sais qu’après avoir acheté son premier tapis, on rêve déjà du deuxième…du troisième…