LE CHANT DES ARTISANS

Zellige Musée Dar El Bacha riad dar taliwint mrrakech

FAIRE DU BEAU

Des « Oh ! » d’émerveillement fusent dans les diverses salles d’un Palais, d’une Médersa, ou d’une riche demeure privée. Les touristes restent ébahis devant les décors colorés de zellige, la dentelle des frises de stuc, les stalactites de bois sculpté.  Les appareils photos crépitent et l’on regarde encore, sous tous les angles, les entrelacs, découvrant à chaque instant de nouvelles perspectives. L’artisanat est le reflet des mœurs et des couleurs de la civilisation.Si l’apogée de la décoration mauresque remonte à la période arabo-andalouse, il est remarquable de constater que les siècles n’ont, miraculeusement, pas effacé le vocabulaire et les techniques de l’art décoratif islamique. La plupart des métiers qui lui étaient propres, semblaient menacés de disparition mais le regain d’intérêt pour les demeures anciennes dans les médinas du Maroc a fait renaître le secteur. Les nombreuses restaurations de maisons, entamées depuis quelques années, ont eu comme conséquence heureuse la redécouverte de matériaux traditionnels et des savoir-faire ancestraux. Les maâllems (maîtres d’œuvre) attendaient l’heure du réveil, du chant nouveau. Grandement respectés pour leur savoir, ils sont aujourd’hui comblés de pouvoir reformer de jeunes apprentis, de rouvrir des ateliers. La dynamique se poursuit non seulement grâce au souci d’authenticité assez communément partagé par les nouveaux propriétaires dans le cadre d’une restauration mais aussi par le réemploi  de ces mêmes techniques adaptées à des esthétiques contemporaines.

ZELLIGE

C’est un élément essentiel de la décoration hispano-mauresque, sans doute inspiré de la mosaïque romaine. Il est toujours fascinant de voir le « zelligeur » tailler délicatement en biseau, marteau(menqach) à la main, ses petits carreaux d’argile émaillés, qui proviennent souvent de Fès, en carrés, en triangles, en octogones ou en étoiles. Ils seront posés un à un sur un lit de plâtre. L’œil de l’artiste créera des compositions de mosaïques, simples ou excessivement complexes, qui décorent les murs, les frises, les plateaux de table, les fontaines.

La gamme des couleurs s’est enrichie progressivement. Bleu, vert, miel, jaune, rouge, noir, blanc…Pour restaurer et reproduire un motif ancien endommagé, l’artisan peut le décalquer sur papier kraft en frottant des feuilles de menthe sur la surface. On est parfois pris de tournis devant les figures géométriques se répétant à l’infini. Précision et confusion s’y conjuguent et perturbent la vision.

 

Zellige riad dar taliwint marrakech

 

STUC (GEBS)

Les volutes florales et végétales, les arabesques, les caractères calligraphiques, les dentelles laissent sans voix. Tel un violoniste virtuose, l’artisan ciseleur semble ne pas connaître de limites à son art et son expression créative tournoie sans fin.Le travail de ciselage direct du stuc commence par l’application de la pâte de plâtre sur les parois murales ; une fois lissée, le ciseleur trace les lignes générales de la composition. Dès que le plâtre commence à durcir, l’artisan cisèle minutieusement ses motifs à l’aide d’un jeu de pointes et de petits burins.

Sur les chapiteaux de colonnes, dans les angles de niches, sous les arcs on trouve un motif très complexe dit  Muqarna inspiré des stalactites.

A la question : Pourquoi les stucs anciens montrent-ils une taille plus profonde ? Une seule réponse : les artisans étaient payés selon la grosseur du tas de poussière de plâtre dégagé en une journée de travail !

 

Gebs stuc riad dar taliwint marrakech

Gebs au riad dar taliwnt marrakech

LE BOIS 

La corporation des menuisiers est particulièrement respectée au Maroc. Des règles et des codes stricts ont régi la profession et les savoirs ont souvent été transmis de génération en génération. Les bois les plus travaillés sont les bois locaux comme le cèdre, le thuya, le citronnier, le noyer, l’oranger, le pin, l’abricotier, et les bois importés comme l’ébène, le chêne, le hêtre ou l’acajou.

Dans la région d’Essaouira, le thuya est particulièrement apprécié pour l’élaboration de nombreux objets tandis que le cèdre est roi dans les palais ou les riads des médinas de Fès ou de Marrakech.

Il existe plusieurs spécialistes et maîtres dans les arts du bois. Le sculpteur qui cisèlera à l’aide d’un clou taillé et d’un marteau son motif préalablement tracé en ornements des frises, des portes, du mobilier, des plafonds. L’incrusteur qui enchâsse dans le bois creusé des matières selon le dessin proposé. Le marqueteur pourra élaborer des mosaïques en assemblant des bois précieux, et des éléments d’ivoire, d’écaille, de nacre, d’ébène ou de métaux. Le tourneur, connaît les secrets cachés derrière les paravents ornés que sont les moucharabiehs, formés de bobines tournées et ouvragées fixées sur une grille.

Les moucharabiehs ornaient les fenêtres, les balcons, les loggias, et permettaient aux femmes de voir sans être vues. Le mot dérive du nom des cruches d’eau rafraîchie, les michraba (chrab signifie boire), posées à l’ombre de ces paravents où l’on se désaltérait.

Admirable enfin l’art du zouaq, la peinture sur bois et sur le cèdre particulièrement. Le décorateur tient un pinceau en poils d’âne. Son poignet est soutenu par l’autre main calée sur la table. Le pochoir en place, l’artiste exécute ou improvise ses ornements selon un vocabulaire établi depuis des siècles de tradition et qui entrelace les polygones étoilés, les écritures coufiques, les rosaces dans une polychromie festive.

 

Bois artisanat marocain riad dar taliwint marrakech

 

Zoaq artisanat maroc riad dar taliwint marrakech

 

LE TADELAKT 

Le mot Tadelakt vient du verbe berbère « dleq » qui signifie masser, caresser. Il n’est pas étonnant que cette préparation homogène traditionnelle recouvre les murs des hammams ou des salles de bains des riads restaurés au Maroc. Une patience infinie permet d’obtenir le « plâtre d’or » et son apparence rustique et si sensuelle. Un mélange savant de poussière de plâtre, de sable à la chaux des environs de Marrakech crée ce fini décoratif, permanent, poli, doux, aux ondulations veloutées. La recette de cette « pâte » ancestrale, passée de maîtres en apprentis, implique aussi qu’une fois appliquée, elle soit polie avec un galet de rivière puis recouverte d’un glacis de blancs d’œufs et enfin enduite de savon noir à l’huile d’olive. On peut y ajouter des pigments de couleur naturels. Le tadelakt sera dur comme la pierre et doux comme la soie. L’effet est toujours magique !

 

chambre pacha riad dar taliwint marrakech bathroom tadelakt

 

Tadelakt chambre lune riad dar taliwint marrakech

 

 

Une nouvelle génération d’artisans est en donc marche, qui, souhaitons-le, a encore de belles décennies de travail devant elle. Leurs chants, typiques à chaque corporation, résonnent à nouveau sur les chantiers. Pour la convivialité, le thé à la menthe n’est jamais loin, bien au chaud !